"Vivre une expérience collective de jeu permet d'ancrer des informations"
"Vivre une expérience collective de jeu permet d'ancrer des informations"
Découvrez les jeux créés par L'éclap !
Vaut-il mieux passer un dimanche à regarder tous les épisodes de sa série préférée en streaming, ou se faire une bonne fondue savoyarde ? C’est l’une des questions que l’on peut se poser pendant une partie de Carboniq, un jeu de société abordant avec humour notre impact sur le climat. Comment riposter (souvent avec créativité !) aux attaques sexistes du quotidien ? On s'interroge en jouant à Moi c’est Madame, un autre jeu imaginé quant à lui pour combattre les stéréotypes de genre. Tous deux ont été conçus par Axelle Gay, 32 ans, fondatrice de L’éclap, jeune marque de jeux de société engagés.
Comment devient-on créatrice de jeux ? Chez Axelle, il existait un petit terreau familial ludique : “j’ai grandi en banlieue parisienne, avec deux parents profs. Ma mère travaillait dans une école Montessori, une pédagogie qui favorise beaucoup le matériel et l’autonomie. On jouait souvent, au Risk, au Monopoly… Il y avait beaucoup moins de choix que maintenant, mais c’est un univers qui m’a toujours plu”.
Après son bac, la jeune femme étudie dans une école d’art à Strasbourg, en spécialité didactique visuelle. Elle y apprend “comment transmettre une info de manière visuelle. Mais aussi comment impliquer l’utilisateur, le rendre acteur”. Étudiante, elle imagine déjà de nombreux projets, comme un livre qui se déplie dans tous les sens élaboré avec un orthophoniste ou un webdocumentaire sur la voix.
Marseille
En 2015, Axelle débarque à Marseille. Elle travaille dans une boîte qui créé des jeux de société pour des formations en entreprise : “Nous avions la même ambition : créer des liens, transmettre de façon interactive, donner accès à l’information par l’action”. Au bout de deux ans, l’entreprise ferme ses portes. “Mais j’avais trouvé ce que j’aimais faire. Cela correspondait à mes capacités et à mes envies”, raconte Axelle.
Elle décide alors de lancer son propre projet, tout en travaillant comme formatrice en prison : “Comment créer du lien et de l’esprit d’équipe, quand tout le monde a des connaissances et des personnalités très différentes ? Nous avons fait un journal et j’ai beaucoup utilisé le jeu… Pour apprendre à connaître les autres et libérer sa créativité, ce qui est très difficile quand on est enfermé. Pour moi, c’est une expérience très forte, qui m’a donné beaucoup de clés sur comment créer des jeux”.
Comment créer du lien et de l’esprit d’équipe, quand tout le monde a des connaissances et des personnalités très différentes ?
Faire des étincelles
Axelle bouillonne d’idées. Sa marque est baptisée L’éclap, “un nom dynamique, qui fait des étincelles et évoque un clap dans les mains, l’éclate… Ou clap, une idée apparait !”... Le principe ? “Je m’associe à des experts et expertes, pour traduire un message de manière interactive, avec de l’humour. Jouer à un jeu et vivre une expérience collective permet d’ancrer l’information de manière plus pérenne”.
Jouer à un jeu et vivre une expérience collective permet d’ancrer l’information de manière plus pérenne.
En septembre 2021, Axelle quitte la prison pour se consacrer à plein temps à sa maison d’édition de jeux. En octobre, la campagne Ulule de son premier jeu, Moi c’est Madame, est bouclée avec succès. Celui-ci est imaginé avec Elsa Miské, co-fondatrice du podcast YESSS, qui célèbre les victoires de femmes contre le sexisme et “les warriors du quotidien”. “C’est une démarche positive pour évoquer le harcèlement. À partir de témoignages, nous avons décidé de parler de ripostes, avec des défis et challenges pour muscler l’expérience”, explique Axelle. Toutes les situations sont issues de la vraie vie, pour nous encourager à agir : c'est un jeu bel et bien ancré dans la réalité.
Enjeux climatiques et féminisme
En 2021, Axelle continue sur sa lancée et sort Carboniq, en collaboration avec le Projet Celsius, une structure qui diffuse de l’information sur les enjeux climatiques auprès de tous les publics. Les deux ingénieurs-docteurs physiciens de l'équipe lui fournissent leurs données scientifiques et calculs.
Comme pour chaque naissance d'un nouveau jeu, après moult échanges, le processus de création commence : “Je trouve dans ma bibliothèque interne une ou plusieurs mécaniques ludiques adaptées au sujet, pertinentes face au message. Puis, je teste beaucoup le prototype, avec des panels différents, pour ajouter des mécaniques, ou bien apporter plus de fun ou de clarté”. Quand les rouages sont bien huilés, Axelle réalise le graphisme et les illustrations, “une facette très importante qui va guider les joueurs sur l’utilisation du jeu, pour le rendre plus fluide”.
Je trouve dans ma bibliothèque interne une ou plusieurs mécaniques ludiques adaptées au sujet, pertinentes face au message. Puis, je teste beaucoup le prototype, avec des panels différents.
Lorsque tout est fin prêt, le jeu est produit en Europe. Alors qu’énormément de jeux sont encore fabriqués en Chine (notamment quand ils sont composés de figurines, sabliers, dés ou formations en plastique pour contenir les cartes), le fournisseur d’Axelle est désormais un imprimeur italien. Son parti pris : uniquement du papier et du carton, issus de forêts gérées durablement. Il ne reste plus qu’à commercialiser et promouvoir le jeu !
Ensuite, les petites boîtes colorées sont utilisées dans toutes sortes de moments. “Mon but, c’est de créer des jeux de sensibilisation, vraiment accessibles au grand public”, dit Axelle. Les jeux sont pensés pour animer joyeusement une soirée à la maison, en famille ou entre amis. Mais la fondatrice de L’éclap propose également aux associations des livrets d’animation pour compiler toutes les manières dont on peut utiliser chaque jeu lors d’une formation… D’ailleurs, en plus de sa marque, Axelle réalise des prestations de création pour diverses structures ayant des besoins ludiques spécifiques. En ce moment, elle travaille sur la citoyenneté européenne avec une association.
Mon but, c’est de créer des jeux de sensibilisation, vraiment accessibles au grand public.
Nouvelle donne
Dans le vaste monde du jeu de société, les lignes bougent. Les maisons engagées se font petit à petit une place au soleil. “Début 2020, des gens nous disaient encore que ce n’était pas un jeu si ce n’était pas très compliqué ou si ça ne faisait pas rêver… Aussi, les jeux coopératifs sont de plus en plus acceptés”, observe Axelle. Pas de gagnant, pas de perdant !
Aujourd'hui, Axelle travaille avec une alternante, et le soutien de ses deux associées, qui ont un emploi à côté. Pour les prochaines années, L’éclap a bien sûr une grosse boîte à idées : “On aimerait faire une version de Moi c’est Madame pour les plus jeunes, pour les 12-18 ans. Mais cela demande encore beaucoup de travail pour avoir de la matière réelle. Les ripostes doivent venir de la vraie vie. Et puis, plein de sujets m’intéressent pour de futurs jeux : le handicap invisible, la préservation des espèces…”.
En attendant, Axelle prend le train pour faire découvrir ses jeux aux quatre coins de la France. C'est l'occasion d'échanger avec des groupes et d'observer que sa mission est plutôt bien accomplie... “Moi c’est Madame provoque beaucoup de moments de discussion. Le jeu génère des questions, des souvenirs, des constats bienveillants. Quand je vois les gens se marrer en jouant à Carboniq, ça me fait plaisir. L'idée, c'est que les gens se disent "prenons note de tout ça", sans culpabiliser. Pour avancer collectivement”.
Découvrez les jeux créés par L'éclap !
Mise à jour du 14/10/2022
L'éclap est actuellement en campagne de financement participatif sur Ulule... Axelle et sa complice Elsa lancent la petite sœur de Moi c'est Madame : La RELÈVE. Ce jeu coopératif dédié aux 12-18 ans combat les clichés en toute sérénité... Comment ? En donnant la possibilité aux ados d'identifier les situations problématiques, d'avoir des idées pour mieux réagir face à des attaques sexistes et surtout de déconstruire les stéréotypes de genre. Pour découvrir ce nouveau jeu, c'est par ici !